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Opération Serval (2)

Publié le par Dimitry Queloz

Aux commentaires développés dans notre précédent billet sur l'opération Serval, nous aimerions apporter quelques remarques à propos des faiblesses de l'armée française. Nous avons souligné le professionnalisme et l'efficacité avec lesquels cette dernière s'est déployée et a repoussé les islamistes et les rebelles dans les premières semaines de l'opération. L'intervention n'aurait cependant pas pu avoir lieu aussi rapidement sans un pré-positionnement important de forces en Afrique et un soutien international en matière de transport aérien stratégique. Comme nous l'avons déjà mentionné, une grande partie des moyens engagés se trouvaient basés au Sénégal, en Côte-d'Ivoire et au Tchad. Cette présence sur le continent a permis de compenser dans une certaine mesure les insuffisances en matière de projection aérienne. L'armée française ne possède en effet pas les avions de transport et de ravitaillement en vol nécessaires à un déploiement important de forces directement depuis la France. Les C-160 Transall et les C-130 Hercules ont des capacités d'emport et un rayon d'action trop limités; ils ont été avant tout utilisés en Afrique même. Les moyens en provenance directe de France ont été acheminés grâce au soutien d'alliés et au recours à des sociétés civiles russe et ukrainienne spécialisées dans le transport aérien lourd à grande distance. Cette dépendance envers ses alliés, notamment les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, la France n'est pas prête d'en être libérée. En effet, la prochaine entrée en service de l'Airbus A-400 M ne résoudra pas le problème, même si les capacités de l'appareil sont supérieures à celles des C-160 et des C-130. Ce sont des appareils du gabarit du C-17 Globemaster dont il faudrait disposer. Quant aux appareils de ravitaillement en vol de l'armée de l'air, ils sont à la fois anciens – près de 50 ans - et peu nombreux - 14 au total. Dans ce domaine également, l'armée française continuera à rester dépendante du soutien américain et européen. L’annonce faite en octobre dernier par le ministre de la Défense français d’acheter 14 MRTT à EADS pour remplacer les appareils en service ne permettra en effet pas d’augmenter significativement les moyens actuels.

Une autre grande lacune de l'armée française concerne le renseignement. L'Atlantique 2 de la Marine a joué un rôle significatif dans ce domaine grâce à son importante autonomie et à ses moyens d'écoute et d'observation modernes. De plus, les effectifs sont suffisants - 22 avions en tout - pour permettre un engagement de plusieurs appareils dans la durée. Signalons cependant qu'en dépit de différentes modernisations l'appareil est déjà ancien puisque la première version a été fabriquée au début des années 1960.

Le manque de drones se révèle davantage problématique. L'armée française ne possède aucun drone de type HALE (haute altitude longue endurance) et seulement 4 Harfang de type MALE (moyenne altitude longue endurance). Avec des effectifs si restreints, on comprend vite la difficulté à maintenir un déploiement dans la durée. Notons encore que les drones français étaient engagés jusqu'à récemment en Afghanistan. L'opération Serval a ainsi pu bénéficier du soutien des drones en grande partie grâce au retrait des troupes de ce pays. Le Harfang dispose par ailleurs de capacités limitées. Sa grande faiblesse, dans le cas présent, est sa vitesse, à peine supérieure à 200 km/h. Il utilise donc une partie significative de son autonomie, qui s’élève à plus de 24 heures (et même plus de 26 heures selon les dernières informations), pour les vols d'aller et de retour, ce qui limite son temps de mission sur zone. De plus, le Harfang ne peut pas être armé, même s’il est capable de désigner des objectifs. Il doit donc opérer conjointement avec d'autres moyens aériens qui doivent en assurer la destruction. Dans le domaine des drones aussi, les carences françaises ne sont malheureusement pas prêtes d'être comblées, à moins d'acheter des appareils directement auprès des Américains au risque de dépendre de ses derniers dans une technologie militaire de la plus haute importance pour le futur! La décision politique à ce sujet est attendue avec impatience, d'autant qu'elle mettra fin à une longue période d'hésitations.

Le transport lourd, le ravitaillement en vol et les drones constituent des éléments stratégiques de la plus haute importance pour les armées actuelles et du futur. La France n’est pas autonome dans ces domaines et ne le sera pas dans un avenir proche en raison des contraintes budgétaires. La politique de coopération et de partage (pooling and sharing) développée dans ces dernières années pour pallier les carences en moyens a montré ses limites au cours de la crise malienne, davantage encore que lors de la crise libyenne. Cette politique devrait être repensée. Il en est de même pour celle visant à la limitation des effectifs et des bases outre-mer. On attend donc avec intérêt les nouvelles orientations définies dans le prochain Livre blanc !