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Europe Mad Max demain?

Publié le par Dimitry Queloz

WICHT, Bernard, Europe Mad Max demain? Retour à la défense citoyenne, Lausanne, Favre, 2013, 152 pages

Dans cet ouvrage, Bernard Wicht nous donne une très intéressante analyse de l’évolution de la guerre et de ses conséquences sur l’organisation des Etats depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il s’inspire de la célèbre théorie de Charles Tilly pour qui "la guerre fait l’Etat". Selon cette théorie, la guerre a un impact fondamental et direct sur la structure et l'organisation politiques des Etats. Or, depuis la Seconde Guerre mondiale – la dernière guerre industrielle et "classique" – la nature de la guerre a changé. Le triptique Etat-nation/citoyen-soldat/guerre "classique" laisse désormais la place au couple groupe armé/guerre irrégulière. Il en découle de profondes modifications structurelles dans les Etats-nations.

L’auteur distingue trois périodes dans ces changements. Tout d’abord une "période militaire" (1940-1945) qui se caractérise par un emploi de la guerre irrégulière – l’engagement de "combattants d’occasion et de groupes marginaux" – par les Alliés qui ne sont pas toujours en mesure de contrer les armées de l’Axe en leur opposant des forces classiques.

Après 1945, commence la "période politique". La guerre révolutionnaire marque les conflits de la décolonisation jusqu’en 1975, date de la chute de Saigon. Ses méthodes sont développées et codifiées de manière systématique par les Etats-Unis, l’URSS et la Chine. La population devient le véritable enjeu de la guerre. De plus, des procédures et des procédés sont développés pour permettre aux groupes armés de s’installer et d’opérer de manière autonome au sein des Etats en supplantant leurs infrastructures. Enfin, élément fondamental pour la suite de l’évolution du phénomène, les groupes armés ont développé des capacités d’entretien et de financement, notamment par le biais de différents trafics, celui de la drogue en particulier.

A partir des années 1980 débute la "période économique" durant laquelle a lieu un renforcement de l’autonomie économique de ces différents groupes armés, notamment à la suite de la fusion avec le crime organisé. L’implosion du bloc soviétique et la reconversion des services secrets de l'Est en organisations mafieuses ainsi que la mondialisation achèvent le processus de transformation. L’économie criminalisée représente aujourd’hui environ 20% du produit brut mondial et possède ses propres réseaux économiques. Elle est contrôlée par des seigneurs de la guerre et se caractérise également par sa dimension transnationale via les diasporas et les réseaux informels et virtuels.

Parallèlement à cette systématisation de la guerre irrégulière, l’Etat a vu ses fonctions politiques et militaires traditionnelles se délégitimer, conséquence des deux guerres mondiales et des idéologies totalitaires – avec les quatre "épisodes matrices" que sont Verdun, Auschwitz, Hiroshima et le Goulag. L’Etat-nation n’étant plus destiné à faire la guerre classique, il subit une recomposition. D’une part il adopte une organisation militaire différente, plus adaptée à la lutte dans le cadre de la guerre irrégulière (armée professionnelle, emploi de contractors qui agissent en dehors des règles du droit international), mais moins légitimée à faire la guerre "classique". D’autre part, il se réoriente sur la fonction de maintien de l’ordre sur son territoire, sans toutefois obtenir les succès souhaités. Par ailleurs, l’affaiblissement étatique s’est également accentué du fait de la mondialisation, de la création de structures supra-étatiques et des changements dans les modes de production économique avec le passage à l’économie numérique. La conséquence de toutes ces transformations est un retour au chaos, à une société de type féodale, d’où l’emploi de l’expression "nouveau Moyen Age".

Face à cette "dissolution de l’intérieur" de l’Etat, Bernard Wicht se demande comment reconstituer la cité? Il compare la situation actuelle avec la période de la fin de la guerre du Péloponnèse et celle des guerres d’Italie au début de la Renaissance et s’appuie sur les écrits de Platon et de Machiavel. Pour lui, la solution réside dans la "défense citoyenne", l’emploi du "citoyen-soldat" qui doit suppléer les carences de l’Etat, à l’image de ce qui se fait par exemple au Mexique pour se défendre contre la criminalité des trafiquants de drogue.

(© blogdefense.overblog.com)

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