Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Protection de l'espace aérien: Retour aux années trente! (1)

Publié le par Dimitry Queloz

Le détournement d’un Boeing 767 d’Ethiopian Airlines le 17 février dernier a été l’objet de nombreux commentaires dans les médias suisses et étrangers. L’incident, qui s’est finalement bien terminé mais qui aurait aussi pu tourner à la catastrophe, a montré les carences des Forces aériennes suisses en matière de personnel et de matériel. Ces insuffisances sont connues depuis plusieurs années, même si certains les découvrent, ou font semblant de les découvrir, seulement maintenant. La presse helvétique s’était en effet étonnée de cette situation il y a quelques années déjà et nous en avions parlé dans un article du journal Le Temps en janvier 2009. De son côté, le Département de la Défense prévoit de rendre aux Forces aériennes les moyens d’intervenir en tout temps grâce au projet Ilana et à l’acquisition des Gripen.

A plus d’un titre, la situation que nous vivons aujourd’hui est comparable à celle des années trente, lorsque la Suisse ne disposait pas encore de l’Escadre de surveillance, formation constituée exclusivement de pilotes professionnels. Tout d’abord, les deux périodes se caractérisent par des carences importantes dans le domaine de la défense suite à la réduction massive des budgets du fait d’une situation internationale peu tendue et marquée par une euphorie pacifiste. Dans les années vingt, l’"esprit de Genève" a entrainé les autorités politiques à diminuer les budgets militaires. Les troupes d’aviation ont été particulièrement touchées par ces mesures d’économie et les retards importants ont été longs et difficiles à rattraper à la veille de la Deuxième Guerre mondiale. De nos jours, la fin de la Guerre froide a également conduit au même désir: "retirer les dividendes de la paix". Le nombre d’avions des Forces aériennes a ainsi été drastiquement réduit, passant de plus de 300 au début des années nonante à 32 dans un avenir proche – sans tenir compte de l’achat des Gripen –, les quelque 50 Tiger encore opérationnels étant voués à un prochain retrait après près de 40 ans de service.

Le deuxième point commun entre les deux périodes est l’impossibilité d’assurer en permanence la police aérienne. Avant la Deuxième Guerre mondiale, outre l’obsolescence des matériels, cette situation était essentiellement due au système de milice. Sans pilote professionnel, la mission ne pouvait être remplie dans la durée qu’en cas de mobilisation partielle ou totale des troupes d’aviation. Après un long processus, le Conseil fédéral a résolu la question le 4 avril 1941 en créant l’Escadre de surveillance, chargée prioritairement des tâches de police aérienne. Cette Escadre a été renforcée dans ses effectifs après la Deuxième Guerre mondiale et elle a constituée le fer de lance des Troupes d’aviation au cours de la Guerre froide. Actuellement, les raisons de l’absence d’une police aérienne permanente sont différentes. Elles sont à chercher dans la réduction des moyens à disposition. D’une part, avec seulement 32 appareils modernes, il est impossible de disposer en tout temps et de manière prolongée de patrouilles de chasse prêtes à remplir la mission. D’autre part, les coupes budgétaires ont également conduit à une diminution des personnels nécessaires à un engagement permanent des Forces aériennes pour des missions de police de l’air.

La pression du contexte international représente un autre point commun. Aujourd’hui, les attentats du 11 septembre et le détournement d’avion de la semaine dernière montrent bien l’absolue nécessité d’une police de l’air permanente, surtout dans un pays situé au cœur de l’Europe, survolé quotidiennement par quelque 3'000 avions de ligne et qui abrite d’importantes organisations et institutions internationales. Dans les années trente, ce besoin a été ressenti du fait de l’augmentation des tensions internationales consécutives à l’arrivée de Hitler au pouvoir et, surtout, d’incidents très concrets, comme le crash nocturne d’un JU-52 de la Luftwaffe près d’Orvin en avril 1936 et, quelques mois plus tard, le survol régulier du territoire suisse par des appareils allemands au début de la guerre d’Espagne. (A suivre)

Commenter cet article