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Interview du chef du Service de renseignement militaire suisse (2 et fin)

Publié le par Dimitry Queloz

Dans ces opérations, les drones et les forces spéciales ont joué un rôle fondamental en matière de renseignement. Pouvez-vous nous parler des moyens actuellement à disposition dans l’armée suisse?

Les drones ne représentent qu’une partie, certes importante, de l’ensemble des capteurs dont nous disposons aujourd’hui. Ceux-ci peuvent se diviser en trois grandes catégories. Il y a tout d’abord ce que l’on nomme l’IMINT (IMagery INTelligence), c’est-à-dire tout ce qui est lié à la recherche de renseignement par l’image. Il s’agit d’un domaine fondamental qui exploite les informations provenant de photos réalisées au moyen de satellites ou de drones par exemple. En ce qui concerne plus spécifiquement les drones, la Suisse dispose actuellement du système ADS 95 Ranger dont la conception remonte à la fin des années 1980. Divers types de drones sont actuellement en cours d’évaluation, dont un (projet ADS 15) destiné à remplacer le Ranger. Je peux encore ajouter que nous disposons, au Service de renseignement militaire, d’un centre d’imagerie qui est opérationnel depuis deux ans maintenant.

En ce qui concerne le domaine SIGINT (SIGnals INTelligence), c’est-à-dire le renseignement par écoute électromagnétique, la Suisse est très bien équipée. C’est même dans celui-ci qu’elle dispose des meilleurs moyens techniques.

Enfin, il y a le domaine HUMINT (HUMan INTelligence) qui recouvre tout le renseignement humain et qui est de la plus haute importance sur le champ de bataille. Les informations proviennent notamment des parachutistes et des forces spéciales.

Ces trois domaines ne sont pas isolés les uns par rapport aux autres. Il y a une fusion de l’information en provenance de ces trois sources, ainsi qu’un contrôle par l’HUMINT. C’est le seul moyen d’éviter les dégâts collatéraux.

J’aimerais encore souligner un point très important: un service de renseignement ne s’improvise pas et il faut du temps pour qu’il soit efficace. Par exemple, les spécialistes en imagerie dont je vous parlais tout à l’heure nécessitent deux années de formation spécifique. Il en est de même pour les forces spéciales. Cela a pour conséquence que, contrairement à ce que certains prétendent, il n’est pas possible d’improviser un service de ce genre au dernier moment.

Quel regard portez-vous sur le désarmement massif actuel en Europe?

Il s’agit d’une de mes préoccupations principales car je considère la situation actuelle comme un véritable désastre sécuritaire. En raison de ce désarmement massif, l’Europe devient un acteur secondaire sur la scène internationale, car elle ne peut plus exercer une réelle pression militaire. Il s’agit là d’un risque important, surtout pour les générations futures.

La défense européenne n’existe pas, c’est une vision de l’esprit. Quant aux différentes armées nationales, elles se sont réduites comme des peaux de chagrin, de sorte que l’on peut parler d’"armées bonzaïs". La France et la Grande-Bretagne, dont les armées sont encore les seules à disposer de moyens suffisants en Europe, réalisent 45% des dépenses d’armement du vieux continent, ce qui montre la faiblesse des efforts des autres pays. Cette diminution des dépenses et des moyens a pour conséquence que les pays européens, individuellement ou collectivement, ne sont plus en mesure de mener une quelconque opération militaire d’importance de manière autonome. Tous sont dépendants des Etats-Unis pour le renseignement, la logistique et le transport stratégique, comme l’ont bien montré les opérations en Libye et au Mali.

Une des grandes affaires du début de cet été en matière de renseignement a été l’"affaire Snowden". Dans quelle mesure la Suisse est-elle aussi visée par la NSA? Quel est votre avis sur cette affaire et sur le battage médiatique qui a lieu à ce propos?

Pour ma part, il n’y a pas eu de grande surprise, sauf peut-être en ce qui concerne l’ampleur du phénomène. En effet, "tout le monde espionne tout le monde" et "tout le monde le sait". Les intérêts des nations sont prioritaires et il faut absolument se protéger contre les activités d’espionnage étrangères.

J’aimerais encore souligner qu’aucune organisation, aucun système n’est totalement sûr. Il y a toujours un maillon faible: l’homme. Quant à la révélation de secrets, elle soulève d’importantes questions et met en danger les troupes en opération. (Fin)

 

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